Projet de loi sur les partis politiques au Gabon : Entre volonté de réforme et menaces pour le pluralisme démocratique
Alors que le Gabon entame une phase de refondation institutionnelle après la transition politique amorcée en 2023, le projet de loi sur les partis politiques soulève de nombreuses interrogations. Présenté comme une mesure de rationalisation, ce texte vise à réduire drastiquement le nombre de partis politiques sur le territoire national. Pourtant, derrière cette volonté affichée d’assainir le paysage politique, plusieurs critiques majeures émergent.
. Une atteinte potentielle au pluralisme démocratique
La première critique tient au cœur même du projet : la réduction drastique du nombre de partis politiques. Bien qu’il soit légitime de vouloir assainir un système où l’on recense plus d’une centaine de partis souvent inactifs, une telle approche peut porter atteinte à l’un des piliers de la démocratie : le pluralisme des opinions. La diversité politique, même imparfaite, garantit l’expression d’une multitude de voix et freine les risques d’hégémonie.
. Des critères qui favorisent les élites établies
Le projet prévoit des conditions strictes pour la reconnaissance légale d’un parti : présence nationale, siège fonctionnel, compte bancaire actif, représentativité électorale. Ces critères peuvent exclure les partis émergents, souvent issus de la société civile ou de mouvements citoyens. Ainsi, le risque est grand de verrouiller l’accès au jeu politique en faveur des formations déjà bien implantées, renforçant une forme d’oligarchie partisane.
. Une réforme menée dans la précipitation
L’avant-projet de loi a été élaboré en seulement dix jours par un comité restreint. Cette rapidité soulève des doutes quant à la qualité du texte et à la profondeur des consultations menées. Une réforme aussi structurante aurait mérité des états généraux des partis politiques, une consultation citoyenne, voire un référendum, afin de bâtir un consensus autour de la représentation politique.
. Un débat démocratique encore trop timide
Peu d’éléments indiquent une participation citoyenne réelle ou une concertation avec les principaux acteurs de la société civile. Dans un contexte de transition, il est pourtant essentiel que les réformes soient portées par la population, et non imposées par le haut. Ce manque de transparence et de débat pourrait fragiliser la légitimité de la loi à venir.

. Une logique de contrôle plus que de construction
La réforme semble animée par une volonté de « faire le ménage » plutôt que de repenser en profondeur le rôle et les fonctions des partis politiques. Au lieu de favoriser leur structuration, leur formation, leur transparence financière et leur ancrage territorial, on assiste à une démarche qui peut être perçue comme purement politique et conservatrice.
. L’absence d’une vision politique de long terme
Enfin, le projet ne semble pas s’inscrire dans une stratégie globale de réforme démocratique. Il manque de mécanismes durables pour renforcer la formation des partis, réguler leur financement, favoriser la participation des jeunes et des femmes, ou encore introduire des innovations démocratiques (scrutin proportionnel, primaires internes, quotas, etc.).
En somme, ce projet de loi, bien qu’animé par une volonté de rationalisation du paysage politique gabonais, soulève des risques importants pour le pluralisme, la participation citoyenne et l’avenir démocratique du pays. Une véritable réforme des partis ne peut se réduire à une purge administrative. Elle doit être le fruit d’une réflexion collective, inclusive et transparente, au service d’une démocratie rénovée, plus proche des citoyens.
La refondation des institutions politiques ne peut réussir sans une refondation du lien entre le citoyen et le politique. Le parti politique n’est pas un obstacle, mais un outil de démocratie – à condition qu’il soit vivant, structuré, représentatif et transparent.
Cordialement :
JOVEL ANDRIC OYONO ABA’A
(Acteur politique)
Membre du mouvement de redressement national (MORENA)